Daisy de Santiago

Daisy de Santiago

Le métier de rêve ? Ecrire sur la cuisine et les boissons tout en faisant le tour du monde. C’est ce que faisait Charles H. Baker (1895-1987) – il rédigeait des textes pour des magazines comme Esquire ou Gourmet et écrivait des livres. The Gentleman’s Companion (1946) rassemble des recettes de cocktails qu’il a trouvées à divers endroits, comme le Daisy de Santiago qui vient de Cuba.

La recette présentée ici a été adaptée par Martin Cate, dans Smuggler’s cove: exotic cocktails, rum, and the cult of tiki :

  • 3 cl de jus de citron vert
  • 1,5 cuillère à café de sirop de sucre demerara (sirop de canne blanc)
  • 3 cl d’eau pétillante
  • 1,5 cl de Chartreuse jaune
  • 4,5 cl de « blended lightly aged rum » (Havana Club 3 años)
  • de la menthe pour décorer

Mettre tous les ingrédients dans un shaker avec des glaçons (j’ai omis l’eau pétillante que j’ai rajouté par la suite) et secouer. Filtrer dans un verre old-fashioned rempli de glace pilée. Décorer avec un brin de menthe.

Difficulté: **(*) peu d’ingrédients mais la Chartreuse jaune est moins courante que la verte. Elle se trouve cependant facilement chez les cavistes.

Goût: un cocktail frais et estival, dans la lignée des daiquiris, mais avec une profondeur certaine due aux herbes aromatiques de la Chartreuse. Légèrement sucré et anisé.

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Colonial

Colonial

Dans les années 1930, alors que les Etats-Unis s’enthousiasmaient pour le daiquiri, les Cubains revisitaient les recettes américaines. Le Vermouth Cocktail, jugé trop simple (un mélange de vermouth et de bitters), est complexifié et devient le Colonial grâce à l’ajout de picon, de curaçao et d’un brin de menthe.

J’ai trouvé la recette dans El gran libro del vermout de François Monti:

  • 6 cl de vermouth doux rouge (Lacuesta)
  • 1 cl de Picon (Amer Picon)
  • 0,5 cl de curaçao (Cointreau)
  • 0,5 cl de sirop de sucre
  • 1 trait de bitters Angostura
  • un brin de menthe pour la décoration de même qu’un zeste de citron

Verser tous les ingrédients dans un shaker avec des glaçons et secouer. Verser dans un verre et décorer avec un brin de menthe et un zeste de citron.

Difficulté: *(*) tous les ingrédients se trouvent en supermarché mais l’Amer Picon ne fait pas partie des ingrédients les plus utilisés en cocktail. A moins que vous n’aimiez le Picon-vin blanc ou le Picon-bière. Le vermouth Lacuesta est d’origine espagnole et je l’ai choisi tout simplement parce que la bouteille est ouverte pour le moment (et conservée au frigo pour retarder l’oxydation).

Goût: ce cocktail très léger (idéal pour les jours où on préfère ne pas boire trop d’alcool) est une bonne manière d’améliorer un vermouth, en lui donnant de nouvelles dimensions, notamment un peu plus d’amertume et une note orangée.

 

Airmail

Airmail

Rhum, citron vert, sucre. La trilogie classique du cocktail que l’on retrouve depuis les origines. Trois ingrédients qui se marient parfaitement et qui sont à la source de divers cocktails, le daiquiri en premier lieu mais le ti-punch antillais et la caipirinha brésilienne ne sont pas très loin. Le daiquiri est né à Cuba et l’Airmail qui en découle également. Ce cocktail est un hommage au premier vol panaméricain, entre Key West et La Havane qui a eu lieu en octobre 1927 et dès 1930, Cuba développe un service de poste aérienne. La recette est apparue peu après, dans une publicité pour Bacardi. Est-ce que le cocktail a été créé par la marque d’alcool ou était-il courant à l’époque dans les bars locaux ? Personne ne le sait. Une autre version de l’histoire précise que la recette a été publiée pour la première fois en 1949 dans le Handbook for Hosts édité par le magazine Esquire.

Si on ajoute de la menthe, on obtient l’Old Cuban, une création contemporaine d’Audrey Saunders. Et si on substitue le rhum par du cognac ou du gin, il s’agit du French 75. Je publierai sans doute un jour ces deux recettes.

Voici la recette telle qu’elle est décrite dans 101 Cocktails de François Monti:

  • 3 cl de rhum blanc cubain (Havana Club 3 años)
  • 1,5 cl de sirop de miel (quantités égales de miel et d’eau)
  • 1,5 cl de jus de citron vert
  • champagne (ou du mousseux sec) pour compléter (jusqu’à 9 cl, en fonction du verre) (du cava dans mon cas)

Verser les ingrédients (sauf le champagne) dans un shaker avec des glaçons et secouer vivement. Filtrer dans une coupe ou une flûte ou même un verre collins et rajouter le champagne. Décorer d’un zeste de citron (vert) ou d’un brin de menthe.

Difficulté: * rien de bien compliqué à trouver !

Goût: un cocktail qui se boit aisément et dans lequel le miel et le champagne se marient en toute beauté, masquant quelque peu le rhum. Légèrement sucré et acidulé. Et n’hésitez pas à tester différentes variétés de miel qui changeront légèrement le goût final.

La Florida Daiquiri n°3

La Florida Daiquiri n°3

Apparaissant pour la première fois dans le livre de recettes (1935) du bar La Florida situé à La Havana, La Florida Daiquiri n°3 est une création de Constantino Ribalaigua Vert, déjà cité sur ces pages à propos du Daiquiri et du La Florida Cocktail). A l’origine, il préparait ce cocktail en le mélangeant avec de la glace pilée si finement qu’elle ressemblait à de la neige et filtrait le mélange dans un verre dans lequel rempli du même type de glace, formant un dôme. Dès la fin des années 1940, il commence à utiliser un blender électrique et de la glace pilée, ce qui prend bien moins de temps que la fabrication de la neige à la main. Peu importe la manière, Constante était un spécialiste de la glace. Ses recettes demandent différents types qu’il décrit dans son livre sous les noms de menudo (cracked), menudito (chipped), afeitado (shaved) ou frappé (snowy) (difficile à traduire tout ça – je ne sais pas si les mots existent en français et si quelqu’un peut m’aider !). Ces différents types de glace étaient utilisés différemment, créant des textures variées et divers niveaux de dilution du cocktail.

La version n° 3 du daiquiri était particulièrement populaire auprès du public et appréciée notamment par Ernest Hemingway. Celui-ci préférait cependant une version avec plus de rhum et moins sucre qui a très vite été surnommée Hemingway Daiquiri ou Papa Doble. Toute cette histoire est fort confuse et parfois le Daiquiri n°3 est surnommé Hemingway Daiquiri. A vrai dire, j’ai déjà préparé d’autres recettes avec plus de jus de pamplemousse et c’est tout à fait buvable, je vous en présenterai sans doute une dans le futur.

J’ai repris la recette de Beachbum Berry’s potions of the Caribbean:

  • 6 cl de rhum blanc cubain (Havana Club añejo 3 años)
  • 1,5 cl de jus de citron vert
  • 1 cuillère à thé de liqueur de marasquin (Luxardo)
  • 1 cuillère à soupe de sucre blanc fin
  • 1 cuillère à thé de jus de pamplemousse
  • 1,5 tasse de glace pilée

Dissoudre le sucre dans le jus de citron vert, puis mettre tous les ingrédients dans un blender. Mixer à grande vitesse pendant au moins 20 secondes pour former une sorte de neige. Verser sans filtrer dans un verre à cocktail de manière à former un cône.

Difficulté: ** rien de très compliqué mais il faut vraiment mixer longtemps: cela se voit sur la photo, mon daiquiri est trop liquide et ne m’a pas permis de former un dôme.

Goût: une cuillère à soupe de sucre peut sembler beaucoup mais il se dilue dans une grande quantité de glace pilée et est au final bien nécessaire. Si vous préparez ce cocktail sans le passer dans un blender, diminuez à une cuillère à café la quantité de sucre.

J’ai testé par la suite la recette citée dans Cuban cocktails et je la trouve bien moins équilibrée (4,5 cl de rhum blanc, 2,2 cl de marasquin, 3 cl de jus de pamplemousse, 1,5 cl de jus de citron vert, le tout mis dans un shaker avec des glaçons puis filtré dans une coupe). La liqueur de marasquin est très forte de goût et écrase tous les autres ingrédients dans cette version. Une cuillère à thé suffit amplement !

Daiquiri

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Comment raconter l’histoire de ce cocktail ? Ses origines se perdent dans la nuit des temps – enfin pas tout fait quand même: il remonte probablement à l’époque de la distillation des premiers rhums au 17e siècle. Sucre et citrons (verts) étaient largement répandus dans les Caraïbes et le ti-punch antillais est un exemple de boisson similaire, de même que la caipirinha brésilienne. Peut-être devrais-je plutôt raconter comment le daiquiri a obtenu son nom ? Il y a plusieurs histoires; en voici une. En 1898, après la guerre hispano-américaine et la victoire de Roosevelt, un ingénieur des mines vivant dans le village de Daiquiri (situé près de Santiago de Cuba) Jennings S. Cox, voulait organiser une soirée mais n’avait plus de gin. Il a dû trouver dans l’urgence une solution de rechange et s’est procuré au marché local un alcool du cru, du rhum donc, probablement du Bacardi dont la distillation avait commencé dans les années 1860. Pour rendre la boisson meilleure au palais peu habitué de ses invités américains, il y a ajouté sucre et citron (limon en espagnol – donc des citrons verts). Et il a donné le nom de son village, Daiquiri, à son cocktail nouvellement « inventé ».

La popularité n’a pas été immédiate; sa diffusion a même été plutôt lente. William A. Chanler, membre du Congrès américain, pourrait l’avoir introduit à New York en 1902 mais sans grand succès. En 1909, le Contre-Amiral Lucius W. Johnson rencontre pour la première fois le cocktail à Cuba et est séduit. Il l’introduit à Washington D.C. dans les clubs de l’armée et de la marine. F. Scott Fitzgerald en parle dans son roman L’envers du paradis en 1920 et Ernest Hemingway en boit des litres à La Havane. Ce dernier étant diabétique, le barman de la Floridita, Constantino Ribalaigua, crée spécialement pour lui de nouvelles versions sans sucre, y compris un cocktail à son nom, le Hemingway Daiquiri ou Papa Doble. Il crée aussi le Frozen Daiquiri. C’est cette version qui aura le plus de succès pendant les années 1940 et 1950 aux Etats-Unis, grande période de la mode des cocktails tropicaux et tiki.

Avec le revival des dernières années, le cocktail est revenu sur le devant de la scène, surtout grâce à sa facilité de préparation mais aussi (en Europe) grâce à l’abondance de bon rhum cubain sur le marché.

J’ai pris la recette dans le livre de Jeff Berry, Beachbum Berry’s potions of the Caribbean:

  • 2 oz (6 cl) de rhum blanc cubain (Havana Club Añejo 3 años)
  • 3/4 oz (2 cl) de jus de citron vert frais
  • 1 cuillère à thé de sucre blanc fin

Dans le fond du shaker, dissoudre le sucre dans le jus de lime. Ajouter le rhum et remplir de glaçons, puis secouer comme si votre vie en dépendait. Filtrer dans un verre à cocktail.

Difficulté: * rhum blanc cubain, sucre et citron vert – juste trois ingrédients trouvables partout

Goût: ma première version a été préparée avec du rhum Plantation 3 Stars, ma seconde avec du Havana Club Añejo 3 Años. Et c’est de loin ce rhum qui l’emporte au niveau du goût. La qualité du rhum est vraiment essentielle pour ce cocktail. A l’origine, il était préparé avec du Bacardi Superior Carta Blanca mais le Bacardi actuel (fabriqué à Porto-Rico, au Mexique ou en Inde et plus proche d’une vodka) ne correspond plus en rien à ce rhum historique.

Après vous avoir présenté la version originale du daiquiri, je publierai quelques recettes qui s’en inspirent. Sans doute pas dans l’immédiat, mais les bases sont là !

La Florida Cocktail

9190a45b51da13785f21a772674020dbLe bar restaurant La Florida, souvent nommé « La Floridita », était un endroit populaire à La Havane, notamment fréquenté par Ernest Hemingway. Constantino Ribalaigua Vert ou « Constante », un immigré catalan, a commencé à y travailler comme serveur mais dès 1918, il était co-propriétaire du bar et il a créé de nombreux cocktails célèbres. Spécialiste du daiquiri, il a composé diverses versions à base du trio rhum, lime et sucre. Le cocktail La Florida est un exemple parmi d’autres, datant de 1938 environ. Il mêle judicieusement ces trois ingrédients (le sucre est ici remplacé par la grenadine et le curaçao) avec de la liqueur de cacao et du vermouth. Le goût est équilibré et frais, le citron est assez présent. Le cacao et le vermouth se goûtent mais ne dominent pas, ils ajoutent de la complexité au cocktail. Si vous trouvez que le cacao domine, diminuez les quantités.  Le zeste d’orange complète bien le curaçao et développe ses arômes en cours de dégustation.

  • 1 oz (ou 3cl) de rhum blanc cubain (j’ai choisi pour ma version le Plantation 3 Stars mais un Havana Club fonctionne aussi, évidemment)
  • 1/2 oz de vermouth italien blanc (Martini Bianco)
  • 1/4 oz de crème de cacao blanc (Monin)
  • 1 oz de jus de citron vert pressé
  • une cuillère à thé de curaçao orange (Cointreau)
  • une cuillère à thé de grenadine (Monin)

Mélanger le tout dans un shaker avec des glaçons, filtrer et servir dans une coupe et garnir d’un zeste d’orange.

Difficulté: ** (le plus difficile est de trouver de la crème de cacao blanc)

Goût: citronné, puis chocolaté. Très estival.