Blue Moon

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Le Blue Moon est un de ces cocktails oubliés, aux origines quelque peu obscures et aux nombreuses recettes (dont différentes recettes récentes à base de Curaçao bleu qui n’ont pas grand chose à voir avec les anciennes – vous savez, ces cocktails bleus trop sucrés des années 80). D’ailleurs, le Blue Moon dont je parle n’est même pas bleu, il est violet, voire rouge si on y rajoute comme parfois recommandé du vin de Bordeaux. David Wondrich (dans Imbibe !) explique que c’était le cocktail maison de chez Joel’s, un bar, cabaret et restaurant de la 41e rue de New York, non loin de Times Square. Lieu de rencontre d’artistes et journalistes, lieu bohème, le cabaret présentait un spectacle avec vingt chanteurs tandis que le restaurant pouvait accueillir mille couverts (c’est en tout cas ce que disaient les publicités de l’époque). Le patron, Joel Rinaldo, se présentait comme un aristocrate d’origine latine mais était en fait né à New York dans une famille de Juifs Russes. C’est le journaliste de l’époque Benjamin De Casseres qui parle du cocktail maison, décrivant sa couleur « bleu prussienne ». Malheureusement, Rinaldo n’a jamais noté la recette et il faut donc s’inspirer de celles qui circulaient dans les années 1910 et 1920, parfois très différentes.

La recette citée par David Wondrich, recopiée et adaptée du recueil de Hugo R. Ensslin, Recipes for mixed drinks, 1916:

  • 1 1/2 oz (4,5 cl) de gin (Bombay London Dry Gin)
  • 1/2 oz (1,5 cl) de vermouth français (Dolin)
  • 1 trait de bitters à l’orange (Regan’s)
  • 1/2 oz (1,5 cl) de Crème Yvette (liqueur de violette Pages, qui n’existe plus apparemment, ce qui traduit l’âge de ma bouteille)

Mélanger tous les ingrédients avec des glaçons, filtrer dans une coupe (et compléter avec du « Claret », du vin rouge de Bordeaux donc, que je n’avais pas sous la main et qui change l’aspect du cocktail).

Ted Haigh propose une autre recette, tirée de Crosby Gaige’s Cocktail Guide and Ladies Companion (1941), aux proportions et ingrédients différents:

  • 6 cl de gin
  • 1,5 cl de Crème Yvette ou crème de violette
  • 1,5 cl de jus de citron pressé

Mélanger dans un shaker avec des glaçons, filtrer dans un verre à cocktail, décorer avec un zeste de citron. L’usage du shaker est ici recommandé à cause du jus de citron. S’il n’y en a pas, on ne passe pas au shaker, on mélange dans un verre avec une cuillère pour qu’il n’y ait pas formation de petites bulles qui troublent quelque peu la boisson. C’est en tous cas la pratique habituelle mais chacun fait comme il le souhaite, comme James Bond qui préfère son martini « shaken, not stired ».

Difficulté: les Américains se sont plaints pendant longtemps de ne plus avoir accès à la Crème Yvette ou à la liqueur de violette (très proches, la crème Yvette, nommé ainsi en hommage à Yvette Gilbert, contient également des fruits rouges) mais ces liqueurs ont été recréées récemment par diverses marques. Je n’ai pas l’impression qu’en Europe, il y ait eu de coupure dans la fabrication de ces alcools, mais je peux me tromper. Il existe en tous cas diverses maisons productrices, notamment Monin, Giffard, Védrenne, The Bitter Truth, Tempus Fugit… ainsi qu’une spécialité toulousaine créée au début des années 1950 par Benoit Serres.

Goût: la première recette met en avant le goût aromatique du gin, marié avec l’amertume sucrée du vermouth, ainsi que l’orange du bitter et se termine sur une note de violettes. La seconde insiste plus sur l’acidité du citron, mélangée aux arômes du gin et de violette. Les deux sont intéressants, mais il faut aimer le goût floral et très bonbon de la violette.

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Ephemeral

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L’Ephemeral est un de ces cocktails qui donne envie d’expérimenter… pour finalement revenir à la recette d’origine. Créé par David Shenaut du Teardrop Lounge à Portland en 2009, l’Ephemeral inclut des bitters au céleri. Ceux-ci avaient été apportés au bar par un ami et client régulier, Matthew Schuler. La base du cocktail est un martini (vermouth + gin) mais il est transformé par deux ingrédients: le bitter au céleri et la liqueur de sureau. Les doses sont minimes et j’ai voulu savoir comment ces deux éléments influaient sur le goût du cocktail en forçant les doses au fur et à mesure de ma dégustation. C’est une manière intéressante de goûter un cocktail et de se dire que finalement la recette d’origine est la meilleure, la plus subtile surtout. Car c’est de subtilité qu’il s’agit ici.

La recette, trouvée dans le PDT Cocktail Book de Jim Meehan:

  • 2 oz de Ransom Old Tom Gin (un gin à l’ancienne, du Hayman’s dans mon cas)
  • 1 oz de vermouth blanc Dolin (le vermouth que Martini a copié en créant son Bianco, mais pas aussi bien)
  • 1 cuillère de bar de liqueur de sureau Saint-Germain
  • 1 trait (dash) de bitter au céléri The Bitter Truth

Mélanger le tout dans un verre avec des glaçons, verser dans un coupe refroidie, garnir avec un zeste de pamplemousse (que j’ai oublié en dernière minute – dommage !)

Difficulté: *** une recette à essayer avec les ingrédients exacts pour avoir ce goût précis. Des expérimentations sont possibles par la suite. (En fin de billet, je vous indique où j’ai trouvé mes ingrédients.)

Goût: un martini adouci par le gin old tom et le vermouth Dolin, avec une touche florale venant du sureau et une touche venant du potager avec le bitter au céleri. Très subtil et équilibré.

J’aime beaucoup expérimenter avec les effets d’Hipstamatic pour mes photos. Je vous propose donc deux autres photos parce que j’ai eu du mal à choisir cette fois-ci !

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Pour la Belgique, la liqueur Saint-Germain se vend au Delhaize, le Hayman’s Old Tom Gin vient du Chemin des Vignes (Stockel et Uccle), le vermouth Dolin et les bitters (qui sont inclus dans un coffret contenant cinq mini-bouteilles) viennent de Bier en Wijnhuis (Bertem). Ces deux magasins ont un site en ligne.