Prince of Wales

Prince of Wales

Il existe plusieurs variations de ce cocktail nommé Prince of Wales, dont la principale contient de l’ananas écrasé, de la liqueur de marasquin et du rye, ainsi que du champagne. Si on en croit les informations données dans The PDT Cocktail Book, ce cocktail a été publié dans Bariana de Louis Fouquet en 1896 et a été conçu pour commémorer la venue du Prince de Galles Albert Edward, fils de la reine Victoria aux Etats-Unis en 1860. C’est le premier membre de la famille royale britannique à avoir visité le continent américain. La recette publiée ci-dessous s’inspire de l’originale, mais est beaucoup plus simple: elle omet la liqueur de noyaux et l’eau pétillante, ainsi que le cherry brandy ajouté à la fin.

  • 3 cl de Cognac Hine VSOP (Cognac Pierre Ferrand VSOP)
  • 3 cl de Madère Blandy’s Sercial (Madère Ferraz)
  • 0,7 cl de Grand Marnier
  • 1 trait d’Angostura
  • 3 cl de champagne brut pour compléter (j’ai pris la liberté d’utiliser du mousseux Jacob’s Creek, disponible en petites bouteilles)
  • un zeste d’orange pour décorer

Verser tous les ingrédients sauf le champagne dans un verre à mélange avec des glaçons et remuer. Verser dans une coupe refroidie et ajouter le champagne ainsi qu’un zeste d’orange pour décorer.

Difficulté: tous les ingrédients se trouvent en supermarché mais ne sont pas spécialement les plus usités en cocktails – j’ai moi-même acheté le madère à cette occasion.

Goût: le cognac se marie au sucre du madère, le tout rafraîchi par les bulles du champagne, avec une note orangée venant du zeste. Idéal pour les fêtes mais se laisse boire tout au long de l’année.

Green Swizzle

Green swizzle

Né dans les Caraïbes, le Swizzle est à l’origine un mélange de rhum et d’eau qui existe probablement depuis que le rhum a vu le jour. La disponibilité de glaçons dans la région dès la fin des années 1860 permet à la boisson d’évoluer et de se populariser. L’idée est de remuer l’alcool et la glace pilée avec un petit bâton nommé swizzle stick en anglais ou bâton (ou bois) lélé dans les Antilles françaises. Le Green Swizzle apparaît dès la fin des années 1890 et reste populaire jusque dans les années 1930, moment où il est remplacé par le Daiquiri #2 de la Floridita de La Havane. Il s’agit d’un mélange classique rendu vert par l’ajout d’une infusion à l’absinthe – des recettes plus récentes utilisent de la crème de menthe. Il est impossible d’attribuer son origine à un lieu précis; on le rencontre au Bridgetown Club de la Barbade, mais aussi au Queen’s Park Hotel de Port of Spain, Trinidad et même à la Grenade. Il n’y a pas de recette définitive: il peut être préparé à base de rhum mais aussi de gin ou de whiskey – les seules constantes sont l’alcool, la glace et les bitters à l’absinthe.

J’ai suivi les conseils de David Wondrich et préparé la recette selon ses préférences. A l’origine, telle qu’elle était publiée dans le New York Herald en 1908, il fallait refroidir le mélange avec de la glace très finement râpée et filtrer dans un verre à cocktail. Mélange qui ne contenait ni jus de citron vert, eau pétillante ou Angostura.

J’ai donc préparé la recette qui se trouve dans Imbibe de David Wondrich:

  • 4,5 cl de rhum blanc (3 cl de Banks 5 et 1,5 cl de Wray and Nephew White Overproof)
  • 3 cl de falernum (Taylors Velvet Falernum)
  • 3 cl de jus de citron vert
  • 1 cuillère de bar de bitters à l’absinthe (la recette suit)
  • 6 cl d’eau pétillante
  • 12 traits de bitters Angostura

Remplir à moitié un verre de type collins de glace pilée et ajouter tous les ingrédients sauf l’eau pétillante et l’Angostura. Remuer avec un swizzle stick ou bâton lélé en le tournant entre les mains. Ajouter l’eau pétillante et plus de glace pilée si nécessaire. Verser l’Angostura pour former un nuage rosé au sommet du verre.

Difficulté: *** il faut un rhum avec du goût, mais comme le précise Wondrich, juste du Wray & Nephew est peut-être exagéré. D’où mon mélange de deux rhums blancs. Le falernum est un classique des cocktails tiki et sera encore souvent utilisé si vous aimez ça. Quant aux bitters à l’absinthe, ils sont très simples à préparer si vous avez de l’absinthe fraîche. Il suffit de mettre 5-6 brins dans une bouteille de 75 cl de gin à plus de 50° ou de rhum blanc Wray & Nephew White Overproof et y ajouter les zestes de trois mandarines. Laisser reposer deux jours puis filtrer. Alternativement, on peut tout simplement utiliser de l’absinthe en bouteille.

Goût: un cocktail frais, épicé et légèrement amer marqué par la présence des bitters à l’absinthe et de l’Angostura.

Vermouth Cocktail

Vermouth Cocktail

Quoi de plus simple qu’un Vermouth Cocktail ? Du vermouth, des bitters, un zeste de citron, parfois un peu de liqueur de marasquin. Ce cocktail fait partie des plus anciens de l’histoire: il est né dans la seconde moitié du 19e siècle quand le vermouth a été introduit aux Etats-Unis. Une première recette est publiée en 1869 dans le Haney’s Steward & Barkeeper’s Manuel . Elle est très simple: du vermouth refroidi et un zeste de citron.

François Monti propose trois autres recettes dans son livre El gran libro del vermut. Celle de 1884 combine 4,5 cl de vermouth sec avec trois traits de bitters Angostura et une demie cuillère à soupe de sirop de sucre. Une autre recette de 1887 propose 6 cl de vermouth rouge combinés avec deux traits de bitters Boker et une demie cuillère à soupe de sirop de sucre, le tout aromatisé avec une rondelle de citron. Enfin, une autre recette de 1887 nommée Fancy Vermouth Cocktail remplace le sirop de sucre par une demie cuillère à soupe de liqueur de marasquin.

Dans l’exécution de ce cocktail, il faut éviter la dilution à cause des glaçons. Une bonne manière de l’éviter est de garder son vermouth au frais, ce qui est d’ailleurs recommandé pour éviter son oxydation. Le vermouth est en effet un alcool qui ne conserve pas longtemps (ce qui peut-être assez ennuyeux quand on désire en goûter plusieurs à la fois à la maison et que frigo est en partie envahi par ces différents vermouths). L’utilisation du bitter préconisée dans des recettes plus tardives n’est pas toujours nécessaire – tout dépend du produit de base – et il est possible de jouer avec ceux-ci pour trouver la bonne combinaison. Quant au sucre, il n’est pas vraiment nécessaire.

J’ai utilisé pour l’occasion le Biercée Vermouth (17 %), le nouvel apéritif créé par la Distillerie de Biercée. Elaboré à base de Pinot blanc et d’une belle couleur ambrée, il combine diverses plantes et herbes aromatiques. La lavande, l’aspérule et l’hysope apportent une touche florale, suivie d’épices, coriandre, racine d’angélique, cardamome et molène (une plante typique de nos contrées). En note finale, ce sont la camomille, l’amande et le cacao qui dominent tandis que l’amertume est apportée par la gentiane.

Ma recette est une combinaison de celles proposées dans El gran libro del vermut et Imbibe:

  • 6 cl de vermouth (Biercée Vermouth)
  • 2 traits de bitters Angostura
  • un zeste de citron

La version compliquée demande de refroidir le vermouth dans un verre à mélange avec des glaçons et le bitter puis de le filtrer dans un verre. La version simple utilise un vermouth déjà refroidi au frigo qui est simplement versé sur les quelques gouttes de bitter. Le zeste de citron est coupé au-dessus du verre pour que son essence parfume la boisson, puis posé joliment sur le bord ou dans le verre pour décorer.

Difficulté: * N’importe quel vermouth peut être utilisé mais pour un meilleur goût, évitez les premiers prix.

Goût: ce cocktail laisse toute la place au vermouth – de l’amertume, des épices – mais le bitter et le zeste de citron ajoutent une certaine ampleur aux saveurs. Jouez avec les vermouths et les bitters différents pour créer la combinaison qui vous plaît le plus !

Le Biercée Vermouth est disponible chez les cavistes au prix conseillé de 15,90 € (75 cl). Cette bouteille m’a été offerte par la distillerie.

Fairbank cocktail

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un cocktail réalisé lorsqu’il faisait encore beau dehors

Un cocktail en l’honneur de l’acteur Douglas Fairbanks ? Mais où est passé le « s » ? Son histoire n’est pas très claire: il apparaît pour la première fois dans le livre d’Harry McElhone, ABC of mixing cocktails, publié en 1922, à une époque où l’acteur était au sommet de sa popularité mais sans aucune annotation de l’auteur. Robert Vermeire qui a publié Cocktails: how to mix them la même année raconte que ce cocktail serait nommé en l’honneur du sénateur Fairbank, un ami de Président Roosevelt. Celui-ci serait en fait Charles Fairbanks, vice-président de Roosevelt et écrit avec le « s » en question. Est-il plausible qu’un cocktail ait été nommé en l’honneur d’un homme politique à une période où les gouvernants prônaient l’abstinence et la Prohibition ?

En 1930, le cocktail apparaît à nouveau dans le livre de Harry Craddock, The Savoy Cocktail Book sous le nom de Fairbanks Cocktail n°2, avec « s » et avec un référence à « Doug ». Sauf que Douglas Fairbanks ne buvait pas d’alcool !

J’ai réalisé la recette que j’ai trouvée dans Vintage spirits and forgotten cocktails de Ted Haigh.

  • 5 cl de gin (Tanqueray Bloomsbury)
  • 2 cl de vermouth dry (Dolin Dry)
  • 2 traits de bitters à l’orange (Regan’s)
  • 2 traits de crème de noyaux (Tempus Fugit)
  • 1 cerise au marasquin (maison)

Mélanger tous le ingrédients avec des glaçons dans un verre à mélange et filtrer dans un verre à cocktail. Décorer avec une cerise.

Difficulté: *** La crème de noyaux est devenue assez difficile à trouver même si certains producteurs en fabriquent encore / à nouveau. Dans ce cocktail, elle pourrait être remplacée par de l’Amaretto mais vous n’obtiendrez pas les reflets rosés.

Goût: une variation de martini aromatisé à l’amande et à l’orange dont le goût se mélange au gin et au vermouth, à l’aspect légèrement rosé. La cerise au fond du verre est un joli contrepoint à l’ensemble. Pour les amateurs de martini qui voudraient légèrement modifier le goût de base.

Corpse Reviver #1

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Les cocktails présentées ici sont en général choisis pour leur recette ou leur histoire, selon mes envies du moment, mais parfois c’est un ingrédient qui dicte mon choix. Pour cette fin d’année, les supermarchés Delhaize, la Distillerie de Biercée et le vignole du Domaine du Ry d’Argent se sont associés pour créer un vermouth à base de vin rosé et d’ingrédients typiquement belges. Ils lui ont donné le nom de Belmouth, combinant Belgique et vermouth. Ce vermouth utilise du vin rosé alors que ceux d’Italie ou de France se limitent au vin blanc ou rouge. Le cépage est le cabernet jura, plutôt rare, cultivé dans la région de Namur (Bovesse) au Domaine du Ry d’Argent. A côté de la fraîcheur de ce vin, d’autres ingrédients belges apportent des notes diverses: l’aspérule odorante (utilisée dans le maitrank) donne un goût floral, le houblon des notes herbacées et la racine de chicorée l’amertume. D’autres ingrédients sont le citron primo fiori déjà utilisé dans l’Eau de Villée, l’orange, des épices (baies de genévrier, clou de girofle), des plantes (camomille, thé vert, vanille) et bien sûr l’absinthe (artemisia absinthium) indispensable à la fabrication du vermouth. A la dégustation, j’ai été frappée par un fort goût de pain d’épices alors que la cannelle n’est pas présent dans le mélange ! Je dois bien avouer que je ne suis pas très friande de cette épice et que cela a joué dans mon choix de cocktail, même si j’ai moins de problèmes avec le pain d’épices ou le spéculoos. J’ai tenté de trouver deux recettes qui, quelque part, atténueraient un peu ce goût.

Pour la première, j’ai pensé « pomme », parce que pomme et cannelle sont une association qui fonctionne (à tel point qu’elle est devenue cliché). Ce qui m’a renvoyée vers ce Corpse Reviver #1. Moins connu que le #2, il fait partie de cette famille de cocktails censés être bus pour soigner la gueule de bois. Vu ses ingrédients, j’ai comme un doute ! La recette a été publiée dans le The Savoy Cocktail Book d’Harry Craddock qui fait le commentaire suivant: « To be taken before 11am, or whenever steam and energy are needed ».

  • 4,5 cl de cognac (Gautier VSOP)
  • 2,2 cl de Calvados (Père Magloire)
  • 2,2 cl de vermouth rouge (Belmouth*)

Verser tous les ingrédients dans un verre à mélange avec des glaçons. Remuer et filtrer dans une coupe ou un verre à cocktail.

Difficulté: * trois ingrédients faciles à trouver, mais ne pas choisir les premiers prix, le goût s’en ressentira.

Goût: comme prévu, cette impression de cannelle du Belmouth s’associe parfaitement bien avec le calvados, le cognac apportant de la profondeur et un peu d’amertume (déjà présente dans le vermouth). Un cocktail fort à boire avec modération, sauf si on veut réveiller les morts.

*Le Belmouth m’a été offert par Delhaize – je me suis inspirée du communiqué de presse pour écrire mon billet mais la recette est tout à fait personnelle. Vous pourrez l’acheter au prix de 14,99€ dans ce supermarché uniquement. C’est une édition limitée à 5000 bouteilles.

Delmonico

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Considéré comme le premier restaurant gastronomique de New York, le Delmonico’s, créé les frères d’origine suisse John et Peter Delmonico, a ouvert ses portes en 1827. Il a survécu à des incendies, à la Prohibition et à divers propriétaires et sert aujourd’hui encore son fameux steak. Très populaire, il a vu passer de nombreuses célébrités comme Theodore Roosevelt, Mark Twain, Oscar Wilde, Napoléon III… A l’époque, avant la Prohibition, beaucoup d’endroits possédaient un cocktail propre à l’établissement, ce qui était donc le cas également pour le Delmonico’s. Le vermouth a commencé à être très populaire à New York dès les années 1860 et le cocktail pourrait bien dater de 1876, l’année où le Delmonico’s a ouvert près de Madison Square.

J’ai trouvé la recette dans l’application Shaken & Stirred (vous ne l’aurez sans doute pas remarqué: quand je n’ai pas d’idées, je me base sur les recettes de cette application, les réalisant par ordre alphabétique, une pour chaque lettre):

  • 1 oz (3 cl) de dry gin (Bishop’s Gin)
  • 1/2 oz (1,5 cl) de cognac (Gautier VSOP)
  • 1/2 oz (1,5 cl) de vermouth rouge (Martini Riserva Speciale Rubino)
  • 1/2 oz (1,5 cl) de vermouth sec (Dolin Dry)
  • 1 trait de bitters à l’orange (The Bitter Trhuth)

Mettre tous les ingrédients dans un verre à mélange avec des glaçons et remuer avec une cuillère. Garnir d’un zeste d’orange découpé au dessus du verre pour que les essences s’expriment dans le cocktail.

Difficulté: *(*) un cocktail qui utilise des ingrédients de base (à part peut-être les bitters à l’orange, et encore: je vous conseille le Traveller’s Cocktail Kit de The Bitter Truth qui en contient et qui se trouve au Delhaize).

Goût: je dois bien avouer que je suis passée à côté de ce cocktail. Il a un petit côté « martini » mais avec le goût orangé du zeste et des bitters. C’est un bon cocktail mais peu original à côté des ses plus célèbres compagnons de l’époque.

Bamboo Cocktail

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Avec son nom évoquant le bambou, on pourrait croire à un cocktail tiki, mais ce n’est pas le cas. Son nom exotique a sans doute été inspiré par le vie de son créateur. Louis Eppinger, d’origine allemande, arrive en 1889 au Grand Hotel de Yokohama, après un détour par San Francisco, La Nouvelle-Orléans, Portland et sans doute encore ailleurs. Contemporain de Jerry Thomas (le premier barman à écrire un recueil de recettes – toute cette histoire est très bien racontée dans Imbibe de David Wondrich), il a travaillé dans de nombreux bars. Le Japon était alors dans une période d’ouverture à l’Occident et engager un barman européen ou américain avait pour but d’attirer un public mélangé d’officiers de la marine et de voyageurs divers navigant sur les mers du monde. Eppinger planifiait les menus, parcourait les marchés à la recherche de délicatesses locales, accueillait les touristes et concevait des cocktails. Est-ce que le Bamboo Cocktail a vraiment été créé au Japon ? David Wondrich pense que ce n’est pas le cas. Il date probablement du début des années 1880 quand Eppinger tenait un bar sur Halleck Street à San Francisco. En 1886, il apparaît dans les pages d’un journal local de Saint-Paul, avec des proportions différentes. L’association de vermouth et de sherry n’est pas étonnante pour l’époque, ces deux alcools étaient assez populaires et répandus aux Etats-Unis.

Cette recette est présente dans divers livres.

  • 1,5 oz (4,5 cl) de dry vermouth (Dolin Dry)
  • 1,5 oz (4,5 cl) de sherry fino, manzanilla ou amontillado (Osborne Fino)
  • 1 trait de bitters (Angostura)
  • 1 trait de bitters à l’orange (The Bitter Truth)

Verser tous les ingrédients dans un verre à mélange avec des glaçons et remuer à la cuillère. Filtrer dans une coupe ou un verre style martini. Décorer d’un zeste d’orange (ou d’une olive).

Difficulté: ** des ingrédients relativement faciles à trouver, à part peut-être les bitters à l’orange (je conseille le mini-coffret de The Bitter Truth qui contient celui à l’orange et qui se vend dans les grands Delhaize).

Goût: un cocktail peu alcoolisé, idéal quand on n’a pas envie de quelque chose de fort. Des goûts qui se marient bien mais sans que cela produise quelque chose de surprenant. Un cocktail tout en douceur plutôt.

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Le Grand Hotel de Yokohama (source)

Turf Club #2

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Le cocktail nommé « Turf Club » est un cousin du Martinez ou même du Martini et pourrait être le premier cocktail à combiner vermouth et gin. Il apparaît en 1884 dans le recueil How to mix drinks. Bar keeper’s handbook de George Winter. Le nom est une référence à ces clubs masculins qui associaient paris (sur les chevaux), jeux, bar et restaurant à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle.

J’ai préparé une version de ce cocktail, trouvée dans It’s gin o’clock (Manuel Wouters) et qui a une date et un lieu de naissance assez précis: samedi 14 février 1931, au Western India Turf Club du Taj Mahal Hotel de Bombay, après la Rajpipla Gold Cup. Et tout cela pour le manager de General Motors Exports. Tout ceci est renseigné dans The gentlemen’s companion de Charles H. Baker, Jr. (1939).

  • 6 cl de Filliers Dry Gin (Bishop’s Gin)
  • 3 cl de vermouth sec (Dolin Dry)
  • 1 cuillère de bar d’absinthe (Duplais)
  • 1 cuillère de bar de liqueur de marasquin Luxardo
  • 1/2 cuillère de bar de bitters à l’orange (Regan’s)

Refroidir le verre à cocktail (une coupe) avec de la glace. Mélanger à la cuillère pendant 10 secondes environ tous les ingrédients avec des glaçons dans un verre à mélange. Vider le verre de sa glace et filtrer le cocktail dans celui-ci.

Difficulté: *** des ingrédients de base mais toujours disponibles partout. Il faut surtout beaucoup de précision dans les mesures.

Goût: inspiré du Martini, ce cocktail est plus épicé grâce à l’absinthe et aux bitters à l’orange. La note finale est l’amertume du gin. Cocktail très sec dont j’ai légèrement changé les proportions en le buvant: j’ai rajouté plus de bitters, ce qui fait ressortir le goût du marasquin et équilibre un peu plus le cocktail. Un bon cocktail pour le Bishop’s Gin qui est relativement neutre et qui donc se marie bien à d’autres goûts.

Daiquiri

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Comment raconter l’histoire de ce cocktail ? Ses origines se perdent dans la nuit des temps – enfin pas tout fait quand même: il remonte probablement à l’époque de la distillation des premiers rhums au 17e siècle. Sucre et citrons (verts) étaient largement répandus dans les Caraïbes et le ti-punch antillais est un exemple de boisson similaire, de même que la caipirinha brésilienne. Peut-être devrais-je plutôt raconter comment le daiquiri a obtenu son nom ? Il y a plusieurs histoires; en voici une. En 1898, après la guerre hispano-américaine et la victoire de Roosevelt, un ingénieur des mines vivant dans le village de Daiquiri (situé près de Santiago de Cuba) Jennings S. Cox, voulait organiser une soirée mais n’avait plus de gin. Il a dû trouver dans l’urgence une solution de rechange et s’est procuré au marché local un alcool du cru, du rhum donc, probablement du Bacardi dont la distillation avait commencé dans les années 1860. Pour rendre la boisson meilleure au palais peu habitué de ses invités américains, il y a ajouté sucre et citron (limon en espagnol – donc des citrons verts). Et il a donné le nom de son village, Daiquiri, à son cocktail nouvellement « inventé ».

La popularité n’a pas été immédiate; sa diffusion a même été plutôt lente. William A. Chanler, membre du Congrès américain, pourrait l’avoir introduit à New York en 1902 mais sans grand succès. En 1909, le Contre-Amiral Lucius W. Johnson rencontre pour la première fois le cocktail à Cuba et est séduit. Il l’introduit à Washington D.C. dans les clubs de l’armée et de la marine. F. Scott Fitzgerald en parle dans son roman L’envers du paradis en 1920 et Ernest Hemingway en boit des litres à La Havane. Ce dernier étant diabétique, le barman de la Floridita, Constantino Ribalaigua, crée spécialement pour lui de nouvelles versions sans sucre, y compris un cocktail à son nom, le Hemingway Daiquiri ou Papa Doble. Il crée aussi le Frozen Daiquiri. C’est cette version qui aura le plus de succès pendant les années 1940 et 1950 aux Etats-Unis, grande période de la mode des cocktails tropicaux et tiki.

Avec le revival des dernières années, le cocktail est revenu sur le devant de la scène, surtout grâce à sa facilité de préparation mais aussi (en Europe) grâce à l’abondance de bon rhum cubain sur le marché.

J’ai pris la recette dans le livre de Jeff Berry, Beachbum Berry’s potions of the Caribbean:

  • 2 oz (6 cl) de rhum blanc cubain (Havana Club Añejo 3 años)
  • 3/4 oz (2 cl) de jus de citron vert frais
  • 1 cuillère à thé de sucre blanc fin

Dans le fond du shaker, dissoudre le sucre dans le jus de lime. Ajouter le rhum et remplir de glaçons, puis secouer comme si votre vie en dépendait. Filtrer dans un verre à cocktail.

Difficulté: * rhum blanc cubain, sucre et citron vert – juste trois ingrédients trouvables partout

Goût: ma première version a été préparée avec du rhum Plantation 3 Stars, ma seconde avec du Havana Club Añejo 3 Años. Et c’est de loin ce rhum qui l’emporte au niveau du goût. La qualité du rhum est vraiment essentielle pour ce cocktail. A l’origine, il était préparé avec du Bacardi Superior Carta Blanca mais le Bacardi actuel (fabriqué à Porto-Rico, au Mexique ou en Inde et plus proche d’une vodka) ne correspond plus en rien à ce rhum historique.

Après vous avoir présenté la version originale du daiquiri, je publierai quelques recettes qui s’en inspirent. Sans doute pas dans l’immédiat, mais les bases sont là !

Aviation

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Au début du 20e siècle, l’aviation en était à ses balbutiements et cela a inspiré la création de plusieurs cocktails du même nom (tout comme il existe d’ailleurs un Automobile Cocktail). Un de ceux-ci sort du lot, sans doute grâce à sa jolie couleur bleue rappelant le ciel.

Pendant longtemps, l’Aviation a été préparé selon la recette de Harry Craddock publiée dans le Savoy Cocktail Book (1930), combinant gin, marasquin et jus de citron. Il manquait pourtant un ingrédient de taille dans ce cocktail créé avant la Prohibition ! Cette période noire de l’histoire des alcools et du cocktail a provoqué la disparition de nombreux ingrédients aux Etats-Unis, de même qu’un savoir-faire. La liqueur de violette n’était plus fabriquée ni distribuée alors qu’elle colorait légèrement la boisson de ses tons azur. (J’en avais déjà parlé pour le Blue Moon qui est très proche). La recette apparaît pour la première fois dans Recipes for mixed drinks écrit en 1916 par Hugo Ensslin, barman d’origine allemande officiant au Wallick House Hotel sur Times Square (New York). Est-ce lui qui l’a inventé ? Probablement pas. David Wondrich a enquêté et a trouvé une référence dans la presse en 1911, dans l’Albany (New York) Knickerbocker Press mais aucune référence antérieure, ce qui  ne veut pas dire que le cocktail n’existait pas.

C’est un cocktail difficile à équilibrer et j’ai testé plusieurs recettes, utilisant à chaque fois le même gin, à vous de choisir celle que vous préférez !

La première recette est celle de Hugo Ensslin, retravaillée par David Wondrich et publiée dans Imbibe:

  • 0,75 oz (2,2 cl) de jus de citron
  • 1,5 oz  (6 cl) d’El Bart Gin (Beefeater London Dry Gin)
  • 1,5 cuillère à thé de liqueur de marasquin (Luxardo)
  • 1 cuillère à thé de crème de violette (Pagès)

Mélanger tous les ingrédients dans un shaker avec des glaçons et filtrer dans un verre à cocktail. Garnir d’une cerise au marasquin (facultatif).

Difficulté: *** rien de bien compliqué si on possède les bons ingrédients

Goût: David Wondrich propose de rajouter un peu de sirop de sucre si c’est trop acide (c’est le cas), mais certainement pas de marasquin ou de violette qui ont tendance à dominer très vite. J’aurais en effet pu rajouter un peu de sucre mais j’ai finalement préféré le marasquin (une cuillère à thé de plus), ce qui a donné un cocktail tout à fait à mon goût et le meilleur de la série.

La deuxième recette vient de Manuel Wouters, It’s gin o’clock:

  • 4,5 cl de Filliers Dry Gin 28 (Beefeater London Dry Gin)
  • 1,5 cl de liqueur de marasquin Luxardo
  • 1 cl de crème de violette (Pagès)
  • 2,5 cl de jus de citron

Goût: cette version est dominée par le jus de citron et malgré la quantité de crème de violette, elle est assez équilibrée.

Enfin, une troisième recette est citée dans François Monti, 101 Cocktails:

  • 6 cl de gin Aviation (Beefeater London Dry Gin)
  • 2 cl de jus de citron
  • 1,5 cl de liqueur de marasquin
  • 0,5 cl de crème de violette

Goût: la violette et le marasquin dominent mais laissent cependant la place à une certaine acidité.

Les deux dernières recettes donnent trop d’importance à mon avis à la liqueur de violette qui a tendance à donner un goût de savon. Cela vaudrait la peine d’essayer ces cocktails avec d’autres marques pour voir le résultat. Racontez-moi vos expériences !

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(j’ai eu du mal à faire une photo qui montre la teinte azur)